Brulhatour

La radio demeurera-t-elle un lieu de passe-temps (d'épanouissement) où le salarié allie à la fois travail et passion ou un endroit comme un autre où le temps, autour de nouvelles contraintes de plus en plus nombreuses et pesantes, s’écoule à une vitesse plus ou moins lente sans réel objectif, si ce n’est celui de dégager essentiellement un salaire ? Les changements profonds qui interviennent dans les studios doivent, plus que jamais, nous interroger sur la capacité de la radio à demeurer créative et donc, à produire des programmes passionnants tout en préservant l’humain. Encore faut-il s’en donner le temps…


Pour la première fois de l'histoire de la radio, les cadences s’imposent sournoisement dans les studios et bouleversent les habitudes de travail  © Paris Radio Show 2022 - Linda Viksna
Pour la première fois de l'histoire de la radio, les cadences s’imposent sournoisement dans les studios et bouleversent les habitudes de travail © Paris Radio Show 2022 - Linda Viksna

Où est passé le temps que nous avons gagné ? Alors que les nombreux progrès technologiques (automation de la programmation musicale, montage numérique, Remote Radio (1), interactions accélérées via les réseaux sociaux…)  auraient dû conduire à une libération du travail, et donc à dégager un volume considérable d’heures, volume qui aurait pu être, à titre d'exemples, consacré à développer des programmes ou à chercher à comprendre pourquoi les jeunes auditeurs désertent le média, les progrès technologiques, et avec eux la répétitivité des tâches dans les studios, ont transformé le secteur.
Là où il fallait parfois plusieurs heures pour monter un son sur un lourd Revox, il faut désormais quelques minutes sur Adobe Audition. Là où il fallait plusieurs heures pour générer 24 heures de programmation, il faut désormais quelques secondes, voire quelques minutes en comptant le temps d’un bon lissage, si l’on est méticuleux. Là où il fallait plusieurs heures pour installer les outils techniques et tirer des câbles pour assurer un direct, il faut désormais quelques minutes. Là où il fallait impérativement une intervention humaine à une heure tardive pour lancer un son, il n’en faut plus.
Mais, bon sang de bonsoir, où est donc passé ce foutu temps que l’on a gagné depuis ces deux dernières décennies ? D’aucuns disent que ce temps gagné grâce aux avancées technologiques a été redistribué vers de nouvelles tâches. Il a été morcelé. Fractionné. Découpé. Saucissonné. Démembré. Et désormais à la radio, le temps c’est comme la moutarde : peu en ont, beaucoup en cherchent. Curieusement, dans un monde où tout va toujours plus vite, la fontaine du temps se tarit. Et quand un timide filet d’eau apparaît, peu osent claironner qu’ils en disposent au risque de passer pour des tire-au-cul, des procrastinateurs de tout poil et, enfonçons le clou, passer pour des fainéants. Tant est si bien que le temps est devenu une denrée rare. Une richesse précieuse que l’on ne partage pas avec n’importe qui même si l’on continue, dans la précipitation, d’en faire un peu n’importe quoi, faute d’avoir été suffisamment formé à la maîtrise du temps qui passe.
 
Le temps du "vite fait mal fait"

 
Que demande-t-on à un animateur ? Il y a encore 20 ou 30 ans, on lui demandait d’animer. Parfois d’engager quelques opérations antenne, de mettre un peu le museau dans la programmation musicale… Aujourd’hui, quand on voit une fiche de poste, il y a de quoi tomber de sa chaise. On se demande même si un animateur a dorénavant le temps d’animer : développement des réseaux sociaux, accueil des auditeurs au standard, auto-réalisation de son créneau, création de contenus originaux et notamment de podcasts, un peu de marketing antenne, un peu de coordination, un peu de temps dédié à l’enregistrement d’un bulletin météo ou d’un agenda.
L’évolution du métier d’animateur est la même que celle qui frappe le métier de journaliste. Plus exactement, le métier de journaliste localier aux journées, trop, chargées. Avant : la présentation de flashes et un reportage par jour. Désormais, deux, parfois trois, voire quatre. Déclinés à toutes les sauces : pour l’antenne forcément, pour le web avec un article de 1 000 caractères et avec la photo qui va bien, avec un  titre accrocheur, avec les amorces rédactionnelles pour les réseaux sociaux…. C’est le temps du "vite fait mal fait".
Si vous voulez produire des guenilles, multipliez les tâches. Ne laissez pas de temps mort. Essorez votre animateur jusqu’à la dernière goutte. Ajoutez-en un peu plus chaque jour. Devenez le Tricatel de la radio ! Dans tous les cas, vous avez déjà perdu la partie. Vous l’avez perdue parce que jamais vous ne trouverez un animateur capable de mener correctement l’ensemble de ces tâches. Vous ne trouverez jamais un journaliste capable d’assumer correctement l’ensemble de ces missions au long cours. Et en augmentant leur salaire ? En leur rendant leur vie professionnelle meilleure ? Non plus ! Vous ne les trouverez pas tout simplement parce qu’ils n’existent pas. L’animateur n’est pas une machine. Le journaliste n’est pas un outil. Ici, la touche F5 n’existe pas.
 
Les 3x8 y’a que ça de vrai
 
Je vais vous faire une confidence… Je me méfie comme du lait sur le feu de ces animateurs et de ces journalistes qui passent un temps fou cloîtrés et claquemurés à la radio. Ceux qui ne décrochent pas. Cela devrait aussi vous alerter. Ce sont les mêmes qui, la nuit, vident le frigo et s’empiffrent en  cachette. Les mêmes qui vont regarder en un week-end les cinq saisons d’une série. Ce sont des sprinters, pas des coureurs de fond. Vous auriez tout intérêt à vous en méfier. D’abord, parce qu’ils sont très versatiles. Ensuite, et je me permets d’en remettre une couche : parler de ce qui se passe dehors en étant dedans, ça ne marche pas. Ajoutons que le studio, notamment depuis mars 2020, est devenu un lieu particulièrement hermétique. Le temps qui s’y égrène est donc très différent de celui qui met au pas l’auditeur, à l’extérieur. À l’image du temps qui s’écoule dans ce couloir d’hôpital noyé sous les lumières artificielles et qui fait perdre leurs repères à ceux qui y travaillent ou à celui qui attend sa prise en charge. Cette épaisse étanchéité avec le monde extérieur nuit gravement à la retranscription de la vraie vie au micro, celle qui s’écoule, tous les jours et plus normalement, au coin de la rue. Un bon animateur, c’est celui qui sait humer l’air du temps. Idem pour un journaliste. Ils apprendront toujours plus de choses dehors que dedans.
Pour éviter cette déconnexion temporelle, il faut rééduquer l’animateur et le journaliste pour qu’ils puissent trouver un équilibre qui s’entend à l’antenne, on va dire un équilibre temporellement salvateur. Cet équilibre est pourtant simple : 8 heures pour le sommeil, 8 heures pour le travail et 8 heures pour les loisirs. Vous croisez un animateur qui répond à cette règle de vie ? Embauchez-le. On vous fait les gros yeux parce qu’au bout de vos huit heures quotidiennes vous rentrez chez vous ? Passez voir Josie de la compta !
La journée commence vraiment quand celle, au travail, se termine. Cela évite bien des tracas et notamment permet de ne pas se laisser entraîner dans des cadences infernales. Ainsi, viendrait-on désormais en 2022, et pour la première fois, à utiliser le mot cadence (2) à la radio, alors que ce terme en avait été relativement absent depuis l’avènement du média. Dernier exemple en date, les jeunes recrues de France Bleu (3) essorées par le planning.
Rappelons-nous cette phrase de Nietzche : "Quiconque ne dispose des deux tiers de son temps pour son propre usage est un esclave". Ça vaut pour l’animateur, pour le journaliste comme pour le directeur général adjoint ou le président.

Et où passe le temps des auditeurs ?
 
Durant la période allant du 4 avril au 3 juillet 2022, les Français ont écouté chaque jour la radio durant 2h37 (4) soit plus de 39 jours complets par an (au doigt mouillé) uniquement dédiés à écouter la radio. En 2022, la radio représente, à elle seule, 57% du volume total de la consommation audio chaque jour (5), dont 53% en direct et 4% à la demande. Elle reste le format le plus écouté devant le streaming musical, audio (20%) ou vidéo en fond sonore (10%).
Pour autant, avec une ambition de feuille morte, l’auditeur tend à se disperser parce qu’il est de plus en plus sollicité alors que les journées ne font que 24 heures. Par exemple, l’utilisateur "type" de YouTube passe désormais près d’une journée entière – 23.7 heures – par mois à utiliser l’application mobile de YouTube sur Android (6). C’est autant de temps qu’il pourrait consacrer à écouter la radio. Plus encore, selon le Regional Pulse Index (7) de data.ai pour le deuxième trimestre 2022, l'appétit des consommateurs pour le contenu mobile continue de croître. Les utilisateurs des deux principaux marchés, l'Indonésie et Singapour, y consacrent désormais 5.7 heures par jour !
Pour mieux comprendre la bascule qui s’opère, dans une relative indifférence générale, rappelons que l’internaute mondial "type" passe désormais près de 7 heures par jour sur Internet, tous appareils confondus. Et, si l’on considère que cet individu moyen dort environ 7 à 8 heures par jour, l’internaute "type" passe donc désormais plus de 40% de sa vie (éveillée) connecté. C’est aussi intéressant sur le plan sociologique qu’inquiétant sur celui des prochaines dépenses de santé publique.
Petit à petit, de nouveaux outils viennent bousculer les habitudes de l’auditeur et lui voler son temps grâce à des procédés technologiques très addictifs. L’auditeur n’a jamais été autant sollicité. Ce sera davantage le cas demain. Il l’est principalement sur le web. C’est probablement ici qu’il faut mobiliser nos efforts et tenter, à notre tour, de lui prendre, le peu de précieux temps qu'il lui reste.
 
Du temps perdu à cause des bullshit jobs
 
Ces dernières années, le monde du travail a vu fleurir de nombreux bullshit jobs (les emplois à la con en français dans le texte). L'anthropologue David Graeber (8) met en exergue, et ça vaut désormais pour presque l’ensemble des secteurs professionnels, cette multiplication d’emplois sans réelle signification mais aussi leur impact sur le salarié qui a l’impression de pédaler dans la choucroute. Selon lui, plus de la moitié des emplois sont désormais psychologiquement destructeurs lorsqu’ils ne parviennent plus à marier l’éthique de travail à l'estime de soi. La perte de temps est colossale. Le coût pour la société est énorme.
A contrario d’un assemblage tenon-mortaise dont la durée de vie dépassera bien souvent celle du charpentier qui l’a réalisé, à la radio, la grande majorité des productions a une date de péremption très limitée dans le temps. De votre travail, il ne reste plus grand-chose une fois qu’il a été diffusé. C’est loin d’être grisant sur le long terme. Les "Chief happiness officer", qui sont quand même l’incarnation du bullshit job, ont du pain sur la planche.
 
Le temps, ce nouveau produit de luxe
 
Dans la prochaine décennie, faire en sorte que l’auditeur vous accorde la même quantité de temps, ou plus encore, est incontestablement le challenge à gagner. Cela sera d’autant plus vrai demain parce que le temps deviendra rare se positionnant presque comme  un produit de luxe. Il coûtera cher à générer. Il coutera cher à aller chercher.
Vous voulez recruter des perles rares ? Offrez-leur du temps. Du temps pour agir, pour réfléchir, pour créer. Vous voulez limiter la casse et, peut-être, recruter des auditeurs ? Faites-leur gagner du temps. Du temps pour eux, du temps pour qu’ils puissent vous écouter.
Le principal risque demeurera identique pour la radio : aller plus vite que ses auditeurs. Par exemples, entrer trop vite des nouveautés ou les sortir trop tôt. Faire du son pour faire du son autrement dit remplir des horloges pour seulement constater qu’elles sont remplies.  Être dans le trop. Comme l’avait écrit Montesquieu : "le mieux est toujours l’ennemi du bien". Vous avez donc tout intérêt à évoluer dans le même espace temps que celui de vos auditeurs. Ni trop vite. Ni trop lentement.
 
Si le temps c’est de l’argent, alors la vitesse c’est le pouvoir
 
L’immédiateté s’est installée dans nos vies avec des produits et des services aux dates de péremption toujours plus rapprochées. Elle a pris une place bien trop importante dans les médias. Pour votre équipe, cette instantanéité exige un travail permanent, arasant, usant et fatigant. C’est un rocher de Sisyphe qu’il faut transporter tous les jours.
Parmi les scenarii vraisemblables, une décélération devrait naturellement s’opérer dans les prochaines saisons pour retrouver une normalité temporelle moins soutenue. Et puis, parce que la vague actuelle du "partout tout le temps" est impossible à tenir sur un temps long. La vague du "partout tout le temps" a deux inconvénients : elle rince donc les équipes autant que les auditeurs parce qu’elle exige des premiers une mobilisation permanente et pour les seconds, une attention de chaque instant. Si la décélération ne se confirme pas alors l’auditeur restera prisonnier d’un temps accidentel : "un temps inhabitable" (9). Après le temps de l’histoire et le temps événementiel, l'urbaniste Paul Virillo estime que notre société est désormais entrée dans ce temps accidentel… Celui qui avait, dans les années 90, prophétisé le temps du télétravail et ses conséquences, évoque le temps de l’ubiquité et de l’instantanéité avec, là aussi, son lot d’inconvénients et notamment le risque de désorganisation globale.

Vite revenir dans un temps long
 
Depuis l’avènement du web, nous sommes entrés dans un monde où trop d’informations circulent, où celle du matin est automatiquement chassée par celle du soir, elle-même étant remplacée par celle du lendemain. Ce processus conduit à une amnésie collective voire, prédit Paul Virillo, à un "krach social" (10). À la radio, comme dans tous les médias, cette information installe alors une dictature de l’émotion qui écarte toute possibilité de réflexion alors que l’auditeur a besoin de temps pour analyser ce qu’il écoute, le murir et le réfléchir afin de se faire une idée.
De son côté, le journaliste est prisonnier de ce cercle vertueux : il doit chaque matin trouver un nouvel os à ronger pour maintenir un degré d’émotion élevé chez l’auditeur et donc son audience, tout en ayant recours à un vocabulaire de plus en plus anxiogène. Celui-ci doit incarner l'angoisse, l'anxiété et l'appréhension ou alors le stupéfiant, le merveilleux et l'étonnant. Même l’animateur doit vous promettre une nouveauté exceptionnelle, une interview exceptionnelle, un invité exceptionnel, une matinale exceptionnelle, une opération exceptionnelle : maintenir les choses, mêmes les plus banales, dans l'extraordinaire au risque de tomber dans l'excessif et dans l'exagération.
Plus qu’un simple problème lié au temps qui assomme votre auditeur, c’est donc aussi le vocabulaire utilisé au micro qui conduit à une lassitude de celui-ci. Il devine progressivement que les termes employés à satiété n’ont plus de sens et ne renvoient vers aucune réalité. On peut le berner une fois, parfois deux mais rarement trois. Il n'a plus de temps...

(1) Remote Radio HS La Lettre Pro de la Radio
(2) "L’Invention du temps " (juillet-août 2022)  - L'Histoire
(3) "À Radio France, la grande précarité des jeunes recrues " - Le Monde
(4) EAR National - Médiamétrie 2022
(5) Global Audio - Médiamétrie 2022
(6) Digital Report 2022 Global Overview - La Lettre Pro de la Radio
(7) Regional Pulse Index - La Lettre Pro de la Radio
(8) Bullshits jobs : a theory par David Graeber
(9) Paul Virilio "Penser la vitesse " - ARTE
(10) Paul Virilio "La tyrannie de la vitesse " - France Culture

Rédigé par Brulhatour le Samedi 13 Août 2022 à 06:49 | Commentaires (0)

Ce week-end, le quotidien Sud Ouest a consacré un dossier de deux pages sur les audiences de la radio, dossier intitulé "Écoute-t-on toujours la radio ?". J'ai eu le plaisir de donner quelques explications sur la baisse observée des audiences et sur les nouvelles façons de consommer l'audio. Les deux pages reviennent également sur la promesse des podcasts et sur le mercato.


Les audiences : mon interview dans Sud Ouest

L'article est consultable dans son intégralité ICI.

Quelques chiffres en complément à l'article...

D’abord, sur la saison 2021-2022. La dernière EAR National paru le 21 juillet dernier fait apparaitre un résultat surprenant : 39 384 000 de Français écoutent la radio. C’est la deuxième fois que la radio passe sous le seuil très psychologique des 40 millions d’auditeurs par jour. Ce n’est forcément pas gravissime dans la mesure où l’audience reste, très, solide.
Pour autant, sur la dernière décennie, c'est plus inquiétant. Globalement, lorsque l’on observe l’indicateur de l’audience cumulée on s’aperçoit qu’il enregistre une baisse, plutôt faible, mais continue. Pour schématiser, je dirais, en complément, que depuis une grosse dizaine d’années, la radio perd des auditeurs. En France, l’audience cumulée est passée de 83.7% en 2005, à 81.8% en 2010 puis à 81.1% en 2015, puis à 75.4% en 2020 et, enfin, à 71.2% en avril-juin 2022.
Cela devrait forcément et logiquement provoquer une prise de conscience légitime de l'ensemble du secteur.

Rédigé par Brulhatour le Lundi 1 Août 2022 à 07:34 | Commentaires (0)

Annoncée pour le 22 août, parfois pour le 29, voire pour le 5 septembre dans certaines stations, la rentrée radio s’effectue progressivement sur trois semaines. Elle coïncide, plus ou moins, avec la fin des grandes vacances et la rentrée scolaire. Les Musicales sont les premières à rempiler. Elles voient là une opportunité pour roder leurs programmes. Les Généralistes suivent. Le service public et les Associatives ferment la marche. Mais cette année, la rentrée sera particulière. Comme la saison qu’elle lancera…


illustration © Paris Radio Show 2022 - Linda Viksna
illustration © Paris Radio Show 2022 - Linda Viksna

Soyons sérieux deux secondes. Vous pensez, sincèrement, que le gars qui se lève à 06h du matin du lundi au vendredi, 47 semaines par an, qui se tape une heure et demie de trajet chaque jour, et qui pense déjà à ses prochaines grandes vacances prévues dans 11 mois est rassuré d’entendre le jour de la rentrée un animateur lui dire : "C’est génial de vous retrouver ! Vous nous avez manqués ! On vous souhaite une excellente rentrée !". Sincèrement ?
"On veut tout savoir ! Alors, dites-nous ce que vous avez fait pendant vos vacances ?". Gare à ceux qui n’ont rien fait autrement dit qui ont préféré se reposer ou qui n’ont eu d’autre choix que de sucer des glaces à l’eau en regardant passer les bateaux.  Ajoutons que près de 50% des Français ne partent en vacances (1). Que plus de 60% d’entre eux s’ennuient au travail (2). La rentrée, pour eux, c’est un moment difficile. Le travail, pour eux, c’est une corvée. Et pour ceux qui ont eu la possibilité de partir, la fin des vacances marque souvent le retour des emmerdements.
 
Mettez-vous à la place des auditeurs
 
En juin 2022, la confiance des ménages a continué de diminuer pour le sixième mois consécutif (3). Situation financière personnelle en baisse, capacité d’épargne en baisse, niveau de vie en France en baisse… N’essayons pas de croire et de faire croire que les auditeurs évoluent "dans le meilleur des mondes possibles". La méthode Coué a ses limites. Ne prenons pas l’auditeur, qui remet à chaque mois de septembre, bien malgré lui, une pièce dans la machine, pour un imbécile.
Tenez… Rien de plus intéressant qu’une analogie pour poser les bases du débat. Voilà ce que l’histoire nous raconte. En 1966, Pompidou aurait dit à Chirac : "Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! Foutez-leur la paix ! Il faut libérer ce pays !" (4). Voici l’analogie que l’on peut en faire : "Mais arrêtez donc d'emmerder les auditeurs ! Il y a trop de pub, trop d’infos anxiogènes, trop de bla-bla-bla sur cette antenne ! On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! Foutez-leur la paix ! Il faut libérer la radio !". Intéressant non ?
Voyez, je crois que ce qu’il y a de pire pour une radio, c’est de prendre les auditeurs pour des neuneus.  Un peu comme l’a fait l’orchestre sur le Titanic. C’est même le signe d’une vraie fainéantise d’esprit. Je me souviens d’une phrase d’un conférencier, lors d’un Salon de la Radio, il y a déjà bien longtemps. Le gars avait lâché sur scène : "Quand avez-vous vu pour la dernière fois un enfant le jour de Noël recevoir comme cadeau un poste de radio ?". Tout le monde était bidonné. Bien sûr qu’offrir le jour de Noël un poste de radio à un gamin, c’est l’assurance de manger de la soupe à la grimace. Les vieilles ficelles, ça ne prend plus.
 
Un terrain et un marché devenu très glissants
 
Depuis mars 2020, la radio ne voit plus ses auditeurs. Même la précédente saison 21-22 a été atone : quelques concerts mais rien de comparable aux années précédentes. La radio n’a pas pu rencontrer son public, ou parfois a été trop attentiste. Voilà plus deux ans que ça dure : peu ou pas d’émissions délocalisées, peu ou pas de showcases ainsi dénommés, pas ou peu d’opérations au coin de la rue. Plus que la seule visibilité perdue, c’est le lien sur le terrain que crée habituellement la radio avec l’auditeur qui semble être provisoirement rompu. Jusqu’à quand ? C'est curieux parce que les rares concerts qui ont été organisés au printemps dernier ont connu un vrai engouement de la part des auditeurs.
On peut donc rêver d’une nouvelle saison faite de proximité ce qui permettrait de réduire cette nouvelle distance entre la radio et l’auditeur, distance qui s’est accentuée ces derniers mois. On peut rêver qu’elle revienne à un niveau d’avant Covid-19 parce que pour être entendu, il faut souvent être vu.
En juin 2022, les prix à la consommation ont augmenté de 5.8% sur un an (5). Tôt ou tard, l’inflation rattrapera la publicité qui rattrapera la radio avec les conséquences que l’on peut imaginer. Les petits annonceurs pourraient eux aussi devenir atones.
En conséquence, le marché des régionales bouge et évolue comme jamais, de cessions en acquisitions. Ce n’est vraisemblablement que le début et il y a fort parier que des "petites" B dans le Sud-Ouest, le Nord ou ailleurs, comme des grandes, seront amenées à changer de main durant la prochaine saison. C’est le signe que le marché se raidi et perd en stabilité.
 
Si le monde change, la radio doit changer
 
Dans les studios, il est de plus en plus difficile de recruter du personnel. Journalistes et animateurs revendiquant désormais une part de télétravail et rêvant d’une vie meilleure. Est-ce saugrenu ? Non. Est-ce incohérent avec la pratique de la radio ? Oui. Car cela change considérablement la façon de la fabriquer. La radio est un endroit où l’on ne peut, où l’on ne doit, que trouver des premiers de cordée. Parler de ce qui se passe dehors en étant dedans, ça ne marche pas. Ce recrutement, qui pompe une énergie souvent considérable, devrait être d’autant plus contraignant les prochaines saisons.
Plus encore, les nouvelles habitudes comportementales des auditeurs, depuis mars 2020, vont probablement s’inscrire dans la durée et se durcir. Le Covid-19 n’en est pas le responsable mais seulement un accélérateur entrainant avec lui des modifications profondes, nées il y a plus d’une décennie. Depuis 2005, l’audience cumulée de la radio baisse (6). Elle baisse parce que deux outils se sont imposé, soudainement, sur le marché des produits de grande consommation : le haut débit et le téléphone portable, faciles d’accès et d’utilisation. Des outils qui sont arrivés sur le terrain du temps réel que seule occupait jusqu’alors la radio. Les audiences se tassent parce que l’offre numérique explose. L’audience se morcelle parce que les sources sont de plus en plus nombreuses. Demain, elles le seront davantage encore. Le monde change. C’est une formidable fenêtre qui s’ouvre devant nous pour guetter et attraper les nouvelles potentialités et les opportunités et revenir à quelques fondamentaux qui ont permis de muscler la radio.
 
Du rires aux larmes
 
Ce monde numérique, qui veut être le grand concurrent de la radio, a pourtant un point faible : il est essentiellement virtuel. La radio, c’est le réel, c’est le concret avec des vraies gens dedans. La saison prochaine, la radio qui limitera la casse, et pourquoi pas qui recrutera des auditeurs, c’est celle qui ne sera pas prisonnière du logiciel qui lui impose des règles. Ces règles, qui ont été intelligemment définies par l’Homme, sont parfois faites pour ne pas être respectées afin de mieux coller aux réalités.
Quoi qu’il en soit la radio semble avoir trouvé la solution pour réussir sa rentrée et faire en sorte que la saison 22-23 ne tourne pas au cauchemar. Dès le mois de septembre, on allonge la matinale de 30 minutes (télétravail oblige) et les auditeurs vont rire. Si nous avons vécu un mercato moribond en fin de saison (le signe encore que le marché se raidi et perd en stabilité), de nombreuses stations font du rire, la clé de voute de la prochaine saison. On a recruté à tour de bras. Même RMC accordera à l’humour une place dans sa matinale. À la rentrée, espérons que les auditeurs auront envie de rigoler. On a le droit de rêver non ?

(1) Infographie Credoc
(2) Enquête quapa.fr
(3) Conjoncture ménages juin 2022 Insee
(4) Propos rapportés par Le Parisien
(5) IPC juin 2022 Insee
(6) Infographie La Lettre Pro de la Radio
 

Rédigé par Brulhatour le Samedi 30 Juillet 2022 à 07:27 | Commentaires (0)

Forcément, "l’été s’ra chaud". Et pas seulement "dans les tee-shirts et dans les maillots", comme le chantait, en pleine période disco, Éric Charden en 1979. "La Lambada" ou encore "La Macarena" ont pris le relais, marquant la période estivale de notes colorées et de chorégraphies ensoleillées. Mais elles ont pris du plomb dans l’aile… Depuis deux décennies, force est de constater qu’il n’y a plus un seul, mais plusieurs tubes de l’été. Des titres qui marquent la saison aux longs couchers de soleil… Tour d’horizon.


Cet été, faites danser vos auditeurs !

Vous avez remarqué ? Certains titres agissent comme des marqueurs de saison. On pense à celui-ci que l’on a beaucoup diffusé à Noël ou à celui-là qui a connu un nombre élevé de rotations durant l’été. L’avantage, c’est qu’il n’y a plus un mais plusieurs succès qui vont, encore une fois, marquer ces deux mois d’été. Kaoma, Los del Rio, Carrapicho et Wes ont dominé, sans partage, les étés métropolitains dès la fin de la décennie 80, mais il faut toujours s’y résoudre : la danse officielle de l’été 2022 ne sera pas au rendez-vous durant ces grandes vacances.

Néanmoins, convenons qu’il sera difficile pour les programmateurs d’ignorer certains titres très ensoleillés comme "Calm Down" interprété par Rema, comme "Te felicito" de Shakira ou encore comme "Envolver" mis en musique par Anitta.
Moins lumineux mais tout aussi dansants pour cet été, il sera aussi impossible de passer à côté de Lizzo avec "About Damn Time", de Placebo avec "Beautiful James", de Camila Cabello avec Ed Sheeran pour "Bam Bam", de Purple Disco Machine avec "Wake Up!", de Celestal avec Cecilia Krull pour "Out In Style", de Harry Styles avec "As It Was" ou d'Imanbek & Byor avec "Belly Dancer".

Mêmes recettes et (presque) mêmes résultats

"C’est dans les vieux pots qu’on fait la bonne confiture." Cet été, cet adage se vérifiera avec plusieurs reprises qui ont le vent en poupe en ce début de grandes vacances et qui pourraient bien se positionner comme les tubes de l’été. D’abord, le titre "Maniac", revu et corrigé par Sound of Legend, inspiré du succès du même nom de Michael Sembello en 1983. Ensuite, le hit "Trompeta" interprété par Willy William et inspiré d’un sample du succès intitulé "Infinity" de Guru Josh Project, titre qui a connu ses heures de gloire en 1990. Enfin, n’oublions pas non plus le très intéressant "Middle of the Night" par Elley Duhé qui s’inspire de la "Suite espagnole" d’Isaac Albéniz, datant de l’année… 1886. Trois morceaux très efficaces que l‘auditeur connaît déjà, et qu’il pourrait donc souvent entendre jusqu’à la fin du mois d’août.

Des succès au féminin pluriel

Côté chansons françaises, plusieurs titres devraient ponctuer l’été. Certes, on les entend depuis le printemps et ils devraient, mais pas avant la rentrée, mourir de leur belle mort. On pense forcément à La Zarra avec "Tu t’en iras", à Stromae avec "Santé", à Ridsa avec "Santa Maria" ou encore à Angèle avec "Démons" qui accompagnent les auditeurs depuis quelques mois et que ces derniers se sont appropriés.
Cet été, la scène française se conjugue au féminin pluriel avec quelques belles rengaines interprétées par Adé avec "Tout savoir", Izïa avec "Mon cœur", Camélia Jordana avec "Mon roi", Joyce Jonathan avec "Bonjour, au revoir" et la dynamique Shy’m avec "Elle danse encore". À cela, on ajoutera deux belles ballades. La première est intitulée "Et Bam" par Mentissa et la seconde qui a pour titre "Où que tu sois" par Dorely.

C’est quoi un tube de l’été ?

Il faut comprendre, on le sait bien dans le secteur de la radio, qu’il y a autant de programmations musicales qu’il y a de sélectionneurs un soir de match de l’équipe de France. Chaque programmateur a son oreille, ses envies, ses doutes… Mais on peut s’accorder sur une chose. Les chansons qui marqueront notre été ont quelques points communs. En les écoutant, on sait instantanément que le soleil brille. Et puis, jamais les auditeurs n’ont eu besoin d’être autant rassurés avec des titres positifs qui leur donnent la pêche et leur remontent le moral.
Ainsi, quelques semaines après la rentrée des classes ou le retour au boulot, ils se remémoreront quelques bons souvenirs de vacances en les réécoutant. C’est à ce moment précis que l’on se dira que pendant les vacances, qui passent toujours trop vite, la radio aura joué pleinement son rôle de prescriptrice musicale.

Derrière la console

Dans le Sud, à Radio Star, Jérôme Delaveau a fait ses choix. Son pronostic ? "Les tubes latino d’Anitta, de Nicky Jam ou Becky G & Karol G devraient être largement plébiscités", prévient-il. Une raison ? "Compte tenu du climat ensoleillé dans le Sud presque toute l’année, la différence entre l’été et le reste de la saison n’est pas aussi flagrante que dans d’autres régions. Nos auditeurs ont une forte appétence pour les sons rythmés, chaloupés, latino, quel que soit le moment de l’année. En revanche, pendant les mois de juillet et août, notre antenne est encore plus musicale que dans les périodes habituelles", admet le directeur de Radio Star pour qui "chaque radio, selon son format, arrive à pousser un titre qui lui correspond. C’est une bonne chose pour la diversité de l’écoute de notre média".
Pour autant, mieux vaut donner une tonalité particulière à sa programmation musicale durant ces deux mois d’été. C’est l’avis du consultant Bruno Witek : "Oui, la couleur de l’été symbolise les vacances et le soleil auprès des auditeurs et votre radio doit vivre aussi en fonction de la météo." De quelle manière y parvenir ? "En travaillant l'affinité des morceaux. Sur votre Selector vous pouvez faire un shift pour accélérer les morceaux soleil dans la journée, précise le professionnel qui préconise pour un format Top 40 de jouer toutes les 90 minutes les trois plus gros hits de l’été, un morceau soleil tous les quarts d’heure et des inserts auditeurs sur les tubes de l’été." Ses trois coups de cœur pour cet été ? Camila Cabello avec Ed Sheeran pour "Bam Bam", Anitta avec "Envolver" et Rema avec "Calm Down".

L'été, on ose !

"Avec l’arrivée de l’été, on constate un léger enhardissement des programmateurs, qui osent entrer des titres moins consensuels. De nombreuses radios figent néanmoins leur grille pour l’été, et ne recommencent à entrer des nouveautés qu’après le 15 août", constate Éric André de DJ Buzz. Cet observateur, assidu de l’évolution des programmations musicales de ces dernières années, croit à la bonne surprise de l’été : "Il est difficile de renouveler un genre qui a été surexploité. La musique étant un éternel recommencement, il va y avoir sans doute un groupe soleil que l’on n’attend pas, qui sortira un tube imparable qui mettra tout le monde d’accord. Un groupe comme Collectif Métissé, avec une fan base de près d’un million de personnes et plusieurs Olympia à son actif, est comme une grenade dégoupillée, il ne lui manque que le tube", explique Éric André. Le patron de DJ Buzz a sa petite idée sur les succès de cet été 2022 : "Je pense que l’on va entendre partout Rema avec « Calm Down », suivi, plutôt pour les clubs, par David Guetta, Becky Hill & Ella Henderson avec « Crazy What Love Can Do » et par MFX2 qui ressort le tube de 2004 « World Alarm », un outsider qui grimpe en flèche."

Une réponse à la morosité ambiante

D’aucuns diront que le meilleur tube de l’été, c’est surtout celui qui correspond aux attentes et aux valeurs de vos auditeurs. D’où l’intérêt de bien les connaître. Même si l’été peut aussi être une opportunité pour casser les codes et les surprendre, il est peu envisageable de passer à côté de titres lumineux, positifs, rythmés, entraînants et rayonnants. Parce que c’est aussi une réponse à l’actualité anxiogène qui s’égrène au fil des journées à l’antenne. La musique adoucit les mœurs, c’est bien connu !

Rédigé par Brulhatour le Samedi 23 Juillet 2022 à 09:49 | Commentaires (0)

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