Brulhatour

Mener une interview



Mercredi 6 Octobre 2021

Un nouveau "Billet acidulé" dans cette nouvelle Room sur ClubHouse proposée par l'équipe du magazine LePOD. Aujourd'hui, mercredi, on m'a demandé de vous parler de la technique de l'interview. Un sujet qui mériterait un livre entier à lui seul ! Comme le disait François Rabelais, je vais tenter d'en tirer la "substantifique moelle" !



Je vais utiliser une parabole pour illustrer mon propos. L’interview, c’est toujours un coup en 3 bandes, comme au billard. En 3 bandes parce qu’il ne faut jamais l’oublier, l’interview est l’affaire de 3 personnes : celui qui pose les questions, celui qui répond aux questions et… celui qui écoute la discussion. D’ailleurs, l’interview réussi, c’est celui qui réunit ces 3 conditions. Si l’une de ces 3 conditions n’est pas respectée, l’interview ne fonctionne pas. Autrement dit, lorsque vous posez des questions, vous devez prioritairement écouter les réponses que l’on vous donne mais aussi et surtout vous mettre dans la peau de l’auditeur, afin de donner ou pas, de nouvelles impulsions et de nouvelles orientations que vous n’aviez peut-être pas prévues. Certes, on ne doute pas que vos questions soient intéressantes… Mais pour qu’un interview soit réussi, il faut aussi que les réponses le soient également et que les échanges ne soient jamais ennuyeux.

D’ailleurs, dans l’interview, il y a une règle que vous ne maîtrisez pas : ce sont les réponses. C’est pourquoi, dans la presse, on parle souvent de "bon client" lorsqu’il s’agit de trouver un interlocuteur. Un "bon client", c’est l’assurance d’un bon interview. Parce  que ce "bon client" sait aligner les mots les uns derrière les autres, parce qu’il maîtrise son sujet, parce qu’il possède un vocabulaire (c’est rare) qui traduit facilement sa pensée, parce que sa voix engage l’écoute… Il y a de nombreuses raisons qui font le "bon client".

Donc, j’aurais tendance à vous conseiller, pour réussir votre interview, de trouver un "bon client". Un "bon client", c’est 60% de chances supplémentaires de réussir son interview. Cela veut dire, et vous le savez déjà, que l’interview doit être préparé, bien en amont de sa réalisation. C’est la règle. Ne croyez pas ceux qui vous disent qu’il vaut mieux ne rien préparer avant de poser vos questions. Ce sont soit des fainéants, soit des journalistes qui font preuve d’orgueil, de suffisance et de fatuité. Ces 3 défauts réunis donnent souvent naissance à des interviews "bon marché" et à la complaisance. Ça, c’est autre débat…
Je vais quand même vous donner ma définition du "bon client" : c’est une personne qui possède un vocabulaire qui matérialise sa réponse avec beaucoup de paraboles, des métaphores, des citations… qui facilitent la compréhension de l’auditeur. C’est une personne qui a, parfois, une certaine gouille et dont le message est tout sauf institutionnel. Une personne qui vous apprend quelque chose de nouveau.

Donc, première étape, trouvez le "bon client". Cela nécessite du temps, de la curiosité… j’allais dire d’un peu d’investigation dans le milieu que vous souhaitez découvrir. Informez-vous, creusez le sujet, questionnez autour de vous et infiltrez donc le milieu que vous traitez.
Deuxième étape, fouillez le sujet pour en rédiger les questions. Votre interlocuteur verra que vous vous intéressez à ce sujet, et ça le mettra en confiance. Dans la démarche d’interview,  il n’y a rien de pire qu’un interlocuteur stressé, pas à l’aise, pas correctement conditionné. Vous n’en tirerez rien, ou pas grand chose, et c’est là, à partir de ce moment, que l’interview deviendra ennuyeux.
Troisième étape, concentrez-vous sur ce qu’il vous dit et pas sur la prochaine question que vous avez notée. Dans le podcast, l’interview est généralement enregistré. Donc pas de panique. Au contraire, relancez-le souvent en attrapant au vol une information intéressante. On dit : "rebondir". Donc, rebondissez. Ceux qui sont interrogés donnent souvent des indices ou des pistes dans leur réponse. N’hésitez donc pas à vous en saisir et donc à "rebondir".

On pourrait parler pendant des heures des coulisses et des règles de l’interview. Il y aurait tant à dire… Mais, comme vous, derrière le micro, on doit "faire court". C’est d’ailleurs un mal de nos sociétés modernes : "le faire court".

Bon, derniers conseils pour la route. Vous avez remarqué ou vous remarquerez j’espère que l’interview c’est aussi un formidable exercice pour pointer les tics de langage. Il y en a des dizaines qui apparaissent au fil des discussions. Le traditionnel "euh" qui revient systématiquement. Le "alors" qui débute les questions ou le "quoi" qui referme les réponses ou le très agaçant "d’accord" du journaliste qui vient conclure la réponse de celui qu’il interroge.  

On n’a pas parlé du son. Le son d’un interview, c’est important autant que les questions puisqu’un bon son, c’est un confort d’écoute pour l’auditeur. L’enregistrement : on appuie deux fois sur le bouton. Une fois pour lancer l’enregistrement, une seconde fois pour l’arrêter. Laissez donc tourner l’enregistrement. Parfois, sans même poser de questions, on peut obtenir une bonne réponse sans rien n’avoir demandé, un son d’ambiance ou mille et une autres choses qui viendront muscler votre entretien. À vous de jouer !
Brulhatour