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Tribune : "La prime au territoire"

Rédigé par Laure Vignaux le Mercredi 7 Juin 2017 à 07:19 | modifié le Mercredi 7 Juin 2017 à 07:57



Lors de la dernière vague de sondage Médiamétrie, nous avons assisté, une fois de plus, à une nette progression des programmes locaux des indépendants. Il en est de même pour les tranches locales des réseaux. Avec 8,6 millions de personnes écoutant chaque jour les radios locales ou régionales, le GIE se place en tête des audiences devant RTL en nombre d’auditeurs. Le point commun entre tous ces programmes est le territoire. Cette notion, souvent limitée à son aspect géographique, est pourtant mise de côté par certains responsables nationaux. Voyons ce qui pourrait justifier cette affection particulière des auditeurs pour les programmes locaux ou régionaux.


Laure Vignaux est consultante média numérique et stratégie de programmes et programmatrice musicale.
Laure Vignaux est consultante média numérique et stratégie de programmes et programmatrice musicale.
La première tentative d’explication réside peut-être dans une meilleure assimilation du tri de l’information par les auditeurs concernés.
De nombreux chercheurs ont conclu qu’avec la démocratisation du web et la multiplication des supports, les personnes ont acquis des "compétences" dans le tri et la recherche de l’information.
Ainsi, auraient-ils tendance à se tourner vers des sources leur fournissant un accompagnement pertinent au cœur même de leurs activités, mobilités etc. La radio locale qui va donner la météo de son bassin de vie, les radars en place au bord des routes et l’état du trafic les déplacements domicile /travail ou de loisir a plus de chance d’être écoutée à certaines heures qu’une station dite "généraliste nationale". L’utilité ou le tri de l’information ne peut expliquer à elles seules ce regain d'audience pour les stations locales et régionales. Le lien émotionnel lié à son lieu de vie apparaît aussi comme une donnée non négligeable dans cette constatation.

Un lien émotionnel fort

La radio est un média où le lien émotionnel est fort. Il y a un réel attachement des auditeurs à "leurs radios". Dans de nombreuses régions, le rapport au lieu de vie est particulièrement fort. Nous assistons d’ailleurs de plus en plus à une revendication des identités de territoire. Le nom de la nouvelle région Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon : "Occitanie", choisit par ses habitants en est un exemple.
Dans le dernier ouvrage du chercheur Hervé Glaverec : "Ma radio, attachement et engagement",  on peut lire certains témoignages qui valident ce double attachement : Patricia habitante de Savoie qui enlève instinctivement le terme France à "France Bleu Savoie". Fael de Seine-Saint-Denis, auditeur de Génération, qui définit sa station de banlieusarde "Oh c’est un peu banlieusard aussi je pense. […] Oui tous les gens d’ici ouais, enfin, moi je pense".  Claude Hemmer alors directeur de la radio 107.1 avait en 2007 obtenu que l'on retire le France de France Bleu île-de-France pour garder un intitulé simple "Bleu île de France.... logique ! D'autant que la station avait misé alors avec succès sur une présence soutenue de l'info trafic (On Fait la Route Ensemble crée en novembre 2007).

Ce lien émotionnel au territoire se retrouve aussi dans les programmes musicaux des stations de "territoires". Ici, on se focalise sur l’aspect culturel. Les stations proches des frontières de notre pays proposent par exemple des titres dans les langues et les styles des pays limitrophes. Radio Mélodie à Sarreguemines mettra en avant le Schlager et la langue allemande, Sud Radio proposait jusque dans les années 2010 des titres en espagnol avec parfois des consonances flamencos ou encore radio Émotion et la reprise de titres italiens spécifiques à son territoire (Nice).

Un programme en adéquation avec les groupes sociaux du territoire

Quelques stations implantées dans certaines villes voient leur audience stagner. C’est le cas de France Bleu Toulouse qui peine à s’implanter dans le paysage radiophonique toulousain alors que Toulouse FM est en constante augmentation. La structure de la population explique probablement cette grande différence d’audience. La population toulousaine est majoritairement jeune et active (31,9 % de 15-29 ans, 21,4 % de 25-44 ans), instruite (45 % de diplômés de l’enseignement supérieur) et de CSP intermédiaire et supérieur (60 %). Dans ce contexte un programme s’adressant à des + de 55 ans, retraités, avec un niveau d’instruction inférieur au baccalauréat a peu de chance de fédérer.
Dans ce contexte, France Bleu Toulouse ne peut progresser en audience si elle n’adapte pas son programme à la réalité de son territoire. Le programme France Bleu correspond à des zones majoritairement rurales. Ses meilleurs scores se trouvent d’ailleurs hors des grands centres urbains. Dans le passé, Sud Radio connaissait bien ce déficit d’audience sur l’agglomération Toulousaine. De fait, elle travaillait beaucoup plus vers les zones hors des grandes villes sauf pour quelques évènements spécifiques à l’agglomération toulousaine, mais qui rayonnaient sur l’ensemble de son territoire (Couverture du stade toulousain lors des évènements européens, explosion de l’usine AZF, Décès de Claude Nougaro etc.)

Un sujet bien vaste nécessitant des études qualitatives

Les raisons de l’augmentation d’audience des stations locales et régionales nécessiteraient un dossier complet pour approcher un début de réponse. Des études qualitatives seraient nécessaires pour permettre une vision plus fine de ce phénomène. Toujours est-il que l’évolution des habitudes d’écoute semble tendre vers trois caractéristiques principales : L’information utile et rapidement assimilable par l’auditeur, un double lien radio et territoire fort et une bonne adéquation entre le programme proposé et la constitution de la population d’une zone géographique donnée.

Bio Express

Forte de plusieurs années d’expérience dans la programmation musicale et la direction de programmes, Laure intervient aujourd’hui dans l’accompagnement et la formation des responsables d’antennes à la définition de programmes et à la mise en place de stratégie numérique. Elle est aussi programmatrice à distance pour différentes stations locales et régionales. Titulaire d’une Licence multimédia et d’un Master 2 information et communication spécialisée dans l’analyse des cibles, elle collabore régulièrement à la mise en place de programme pour des stations locales, régionales, nationales (étranger) et l’univers du Web.



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