Philippe Gault, président du Sirti (Syndicat Interprofessionnel des Radios et des Télévisions Indépendantes) © Yves Bottalico
LLP - Que redoutez-vous de Radio France ? Comment est né ce rapprochement avec les autres radios commerciales privées ?
PG - Nous constatons depuis plusieurs années des dérives commerciales de Radio France. Au niveau du SIRTI, nous sommes spécialement alertés par nos adhérents des pratiques concurrentielles agressives d'antennes locales de France Bleu. Ces pratiques peuvent prendre la forme de diffusion de messages publicitaires de marque à des séquences de publicité déguisée ou clandestine dans les programmes, en passant par des partenariats élargis à des éléments publicitaires ou des pratiques d'éviction des radios indépendantes locales et régionales dans les grands événements culturels, sportifs, voire associatifs.
La rencontre avec les radios nationales privées s'est imposée à nous en constatant que la direction de Radio France demandait une modification du cadre limitant ses activités commerciales et publicitaires, et que ces demandes étaient soutenues publiquement par le président du CSA ou des parlementaires. Nous nous sommes rendus compte que nous protestions séparément avec le risque de ne pas être entendus.
Le danger est imminent, alors que se terminent les négociations entre l'entreprise publique et l’État sur le prochain Contrat d'Objectifs et de Moyens, sorte de plan quinquennal. A cette occasion que le Gouvernement est tenté de modifier aussi le Cahier des Charges et des Missions de Radio France, texte réglementaire qui fixe le cadre de son action commerciale.
PG - Nous constatons depuis plusieurs années des dérives commerciales de Radio France. Au niveau du SIRTI, nous sommes spécialement alertés par nos adhérents des pratiques concurrentielles agressives d'antennes locales de France Bleu. Ces pratiques peuvent prendre la forme de diffusion de messages publicitaires de marque à des séquences de publicité déguisée ou clandestine dans les programmes, en passant par des partenariats élargis à des éléments publicitaires ou des pratiques d'éviction des radios indépendantes locales et régionales dans les grands événements culturels, sportifs, voire associatifs.
La rencontre avec les radios nationales privées s'est imposée à nous en constatant que la direction de Radio France demandait une modification du cadre limitant ses activités commerciales et publicitaires, et que ces demandes étaient soutenues publiquement par le président du CSA ou des parlementaires. Nous nous sommes rendus compte que nous protestions séparément avec le risque de ne pas être entendus.
Le danger est imminent, alors que se terminent les négociations entre l'entreprise publique et l’État sur le prochain Contrat d'Objectifs et de Moyens, sorte de plan quinquennal. A cette occasion que le Gouvernement est tenté de modifier aussi le Cahier des Charges et des Missions de Radio France, texte réglementaire qui fixe le cadre de son action commerciale.
LLP - Quelles peuvent être les conséquences d’une plus grande ouverture de la publicité au sein de Radio France ?
PG - Ces conséquences seraient insupportables aux éditeurs privés. Si Radio France obtenait une licence publicitaire étendue, on n'assisterait pas seulement à la régularisation des dérives qui existent déjà. Radio France entrerait massivement dans le champ concurrentiel, et dans un marché publicitaire radiophonique orienté à la baisse, l'entrée d'un acteur aussi puissant et avantagé serait insupportable. Tout le modèle économique des entreprises de radios privées, locales et nationales, serait remis en question. Il est curieux qu'il n'y ait pas une étude d'impact publique et contradictoire pour évaluer les conséquences d'une telle décision, alors que ces études sont devenues presque obligatoires quand il s'agit de faire évoluer un marché audiovisuel.
PG - Ces conséquences seraient insupportables aux éditeurs privés. Si Radio France obtenait une licence publicitaire étendue, on n'assisterait pas seulement à la régularisation des dérives qui existent déjà. Radio France entrerait massivement dans le champ concurrentiel, et dans un marché publicitaire radiophonique orienté à la baisse, l'entrée d'un acteur aussi puissant et avantagé serait insupportable. Tout le modèle économique des entreprises de radios privées, locales et nationales, serait remis en question. Il est curieux qu'il n'y ait pas une étude d'impact publique et contradictoire pour évaluer les conséquences d'une telle décision, alors que ces études sont devenues presque obligatoires quand il s'agit de faire évoluer un marché audiovisuel.
LLP - Est-il possible de chiffrer le manque à gagner pour les radios indépendantes ?
PG - Nous avons assigné Radio France au Tribunal de Commerce, donc nous réservons ce point aux débats qui vont s'instaurer très prochainement. De notoriété publique, dès à présent la moitié des 40 millions d'euros annuels de recettes publicitaires de Radio France seraient obtenus en jouant sur les mots du cadre réglementaire. Donc les radios privées perdraient déjà de ce fait au moins 20 millions d'euros par an. Ceci sans considérer la destruction de valeur, notamment sur les marchés locaux.
PG - Nous avons assigné Radio France au Tribunal de Commerce, donc nous réservons ce point aux débats qui vont s'instaurer très prochainement. De notoriété publique, dès à présent la moitié des 40 millions d'euros annuels de recettes publicitaires de Radio France seraient obtenus en jouant sur les mots du cadre réglementaire. Donc les radios privées perdraient déjà de ce fait au moins 20 millions d'euros par an. Ceci sans considérer la destruction de valeur, notamment sur les marchés locaux.
LLP - Quelles vont être vos réponses et vos actions pour préserver cet équilibre publicitaire ?
PG - Nous ne nous contentons pas de protester, nous agissons. Le SIRTI vient d'assigner Radio France au Tribunal de Commerce de Paris, tout comme le SRN et le SRGP de leur côté. L'assignation a été délivrée lundi. Nous voulons faire cesser les dérives commerciales de Radio France, et que les radios publiques reviennent à une stricte application des limitations commerciales qui découlent de la réglementation. D'autre part nous demandons au Gouvernement d'écarter toute extension du champ d'action commerciale autorisé à Radio France.
Enfin, nous saisirons la Commission Européenne si des décisions étaient prises, favorisant excessivement le service public de la radio et mettant en danger les radios privées. Est-ce que Radio France a vraiment à gagner à un nouvel examen critique par la Commission des aides d’État dont elle bénéficie ? Je n'en suis pas sûr.
PG - Nous ne nous contentons pas de protester, nous agissons. Le SIRTI vient d'assigner Radio France au Tribunal de Commerce de Paris, tout comme le SRN et le SRGP de leur côté. L'assignation a été délivrée lundi. Nous voulons faire cesser les dérives commerciales de Radio France, et que les radios publiques reviennent à une stricte application des limitations commerciales qui découlent de la réglementation. D'autre part nous demandons au Gouvernement d'écarter toute extension du champ d'action commerciale autorisé à Radio France.
Enfin, nous saisirons la Commission Européenne si des décisions étaient prises, favorisant excessivement le service public de la radio et mettant en danger les radios privées. Est-ce que Radio France a vraiment à gagner à un nouvel examen critique par la Commission des aides d’État dont elle bénéficie ? Je n'en suis pas sûr.
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LLP - Le SIRTI a combattu les positions du Bureau de la Radio. Aujourd’hui, vous faites cause commune avec lui. Pourquoi ce revirement ?
PG - Nous avons souvent agi, dans la longue histoire du SIRTI et de la radio en France, avec nos collègues -sur les sujets sur lesquels il y a des convergences d'intérêt ou de conviction. Par exemple, jusqu'en 2009, il y avait un Groupement pour la Radio Numérique dont le SIRTI faisait partie, comme les principaux groupes privés et aussi Radio France. On agit ensemble quand on est d'accord, et il faut construire des alliances pour peser.
PG - Nous avons souvent agi, dans la longue histoire du SIRTI et de la radio en France, avec nos collègues -sur les sujets sur lesquels il y a des convergences d'intérêt ou de conviction. Par exemple, jusqu'en 2009, il y avait un Groupement pour la Radio Numérique dont le SIRTI faisait partie, comme les principaux groupes privés et aussi Radio France. On agit ensemble quand on est d'accord, et il faut construire des alliances pour peser.
LLP - Vous avez été candidat au poste de président de Radio France. Que feriez-vous à la place de Mathieu Gallet, si vous aviez été élu, pour diversifier vos ressources ?
PG - Ca n'est pas un sujet personnel, je ne vais pas utiliser votre tribune pour jouer à être à sa place, mais plutôt vous rappeler les positions du SIRTI que je préside.
Avec quelque 600 millions d'euros de dotation publique, Radio France doit faire avant tout des économies, et les possibilités ne manquent pas : arrêt des Ondes Moyennes et Grandes Ondes, révision du réseau de plus de 2 300 fréquences FM combiné avec un lancement de la RNT, arrêt du Mouv' pour refonder les projets numériques, modernisation des métiers, nouvelle approche de la musique, remise à plat du dossier de la Maison de la Radio. Mathieu Gallet peut réussir la mutation dont dépend la survie de Radio France, avec l'aval du Gouvernement, mais ce ne sera pas au prix de l'invasion du marché publicitaire dont vivent nos radios.
PG - Ca n'est pas un sujet personnel, je ne vais pas utiliser votre tribune pour jouer à être à sa place, mais plutôt vous rappeler les positions du SIRTI que je préside.
Avec quelque 600 millions d'euros de dotation publique, Radio France doit faire avant tout des économies, et les possibilités ne manquent pas : arrêt des Ondes Moyennes et Grandes Ondes, révision du réseau de plus de 2 300 fréquences FM combiné avec un lancement de la RNT, arrêt du Mouv' pour refonder les projets numériques, modernisation des métiers, nouvelle approche de la musique, remise à plat du dossier de la Maison de la Radio. Mathieu Gallet peut réussir la mutation dont dépend la survie de Radio France, avec l'aval du Gouvernement, mais ce ne sera pas au prix de l'invasion du marché publicitaire dont vivent nos radios.