Les quotas sont trop vieux… tout le monde s’accorde là dessus. Créés en 1996, ils obligent à passer 40% de chanson d’expression française dont 20% de nouveaux talents ou nouvelles productions entre 6h30 et 22h30. Cette règle a peu changé depuis, bien qu’elle ait été assouplie, puis renforcée à plusieurs reprises. Et il est temps de prendre du recul : à cette époque, dans un monde sans Internet, les mélomanes découvraient la musique à la radio, puis achetaient des CD. La radio, rémunérée par la pub, faisait gratuitement la promotion des artistes, et les majors vendaient des disques en conséquence. Un deal gagnant-gagnant.
20 ans après, le monde a changé et cela crispe tous les acteurs du dossier. La révolution internet a attaqué fortement ces deux piliers essentiels de la musique : la promotion, et l'achat.
20 ans après, le monde a changé et cela crispe tous les acteurs du dossier. La révolution internet a attaqué fortement ces deux piliers essentiels de la musique : la promotion, et l'achat.
- Côté promotion, les radios FM ont dû partager leur place de diffuseur privilégié avec les plateformes de vidéos en ligne, les plateformes de streaming, et les milliers de webradios du monde entier. Si ces nouveaux médias ne volent pas directement les parts du gâteau publicitaire de la radio (car la rémunération en ligne reste faible), elles réduisent la taille de ce gâteau, car moins d’auditeurs écoutent la radio, et moins longtemps. Autre problème, pour les majors cette fois : ces nouveaux médias sont moins prescripteurs d’achat, car ils sont moins "mass market" et n'ont pas de programmateur musical : ce sont les auditeurs qui choisissent eux-même leur musique, et ils ont tendance à privilégier des styles et des artistes qu’ils connaissent déjà.
- Côté achat, l’écoute et le téléchargement en ligne (légal ou pas) envoient lentement le CD vers le cimetière... Là aussi, les nouveaux supports d’achat ou de “location” de musique sont moins rémunérateurs pour les majors. La pub en ligne et le streaming rémunèrent peu les ayant droits, en comparaison des marges confortables du CD. Mécaniquement, les maisons de disque ont dû se serrer la ceinture, et produire moins d’artistes et de nouveaux titres. Rares sont les nouvelles carrières à la Goldman ou Sardou de nos jours.
Dans ce contexte alarmiste, le réflexe des majors est bien entendu d’essayer de renforcer les contraintes sur le média le plus prescripteur – la radio – alors que cette dernière est elle-même concurrencée sur le volet promotionnel – le marché de l’écoute audio. Les majors ont ainsi demandé de diversifier le nombre de titres joués. L’industrie radio, face à une production de nouveaux titres qui s’est écroulée, crie au scandale. A juste titre.
Abandonnons les anciennes productions !
Laissons de côté un instant les nouveaux talents et nouvelles productions – qui représentent 20% minimum des taux de diffusion – et attardons nous sur le reste des quotas : les anciennes productions. Elles représentent 20% supplémentaires du volume d’écoute francophone. A qui profitent-elles ? A personne. Je dis bien : à personne.
Laissons de côté un instant les nouveaux talents et nouvelles productions – qui représentent 20% minimum des taux de diffusion – et attardons nous sur le reste des quotas : les anciennes productions. Elles représentent 20% supplémentaires du volume d’écoute francophone. A qui profitent-elles ? A personne. Je dis bien : à personne.
- Côté radio, ces 20% supplémentaires d’anciennes productions représentent une contrainte en plus, qui force tous les formats de radio à se ressembler. Avec 40% du volume d’écoute total contraint par la loi, nos 15 réseaux nationaux, et les nombreuses radios locales, sont contraints à diffuser les mêmes titres et à s’imiter, sur presque la moitié de leur volume de diffusion musicale. Ces 40% francophones conditionnent aussi les 60% restants, par besoin de cohérence de l’ensemble de leur format. Cela a encouragé en France le développement exagéré de pratiques de programmation trop standardisées, copiées les unes par rapport aux autres, au moyen de panels, de piges Yacast, et de Selector. Il faut dire que dans le cadre de la loi actuelle, il est impossible de faire une radio de rock californien, de dance music, de musiques du monde, voire de FIP ou Nova… 40% de volume contraint, c’est d’autant plus grand que tous les nouveaux médias de l’ère internet proposent une offre très diversifiée de nouveaux formats spécialisés et éclectiques, notamment via les webradios.
- Côté maison de disque, les anciennes productions génèrent peu de revenus : les auditeurs achètent peu de compilations de vieux titres (qui aujourd’hui achèterait un best-of de Michel Sardou ? ...). Quant aux droits SACEM payés pour leur diffusion, ils amènent certes des revenus confortables, mais aux seuls auteurs-compositeurs-interprètes. Si ces derniers méritent certes des retraites confortables pour leurs succès d’antan, ont-ils vraiment besoin d’être “aidés” ? Non. Le scandale récent du fonds de soutien aux “Jeunes créateurs” de la SCPP, siphonné par les Aznavour, Mitchell, et autres Johnny devrait nous rappeler encore plus quelles sont les vraies priorités.
Avec jusqu’à 20% de quotas inutiles libérés, soucions nous à présent du vrai sujet essentiel : les nouveaux talents et les nouvelles productions. Hormis leur volume de diffusion, les maisons de disques réclament plus de diversité dans les titres, c’était l’objet de l’amendement voté et appliqué de manière autoritaire en juin. Mais ça tombe bien : avec un peu de modulation, c’est possible de satisfaire tout le monde !
Introduisons la nouvelle règle des 40 !
Plutôt que de moduler, comme dans notre vieille loi, le volume global de quotas versus le volume des nouvelles productions (les fameux 40 / 20, 60 / 10 et 35 / 25), l’idée serait de moduler le volume de quotas de nouveaux talents et productions seuls versus le nombre minimum de titres différents par jour de diffusion sur ces mêmes nouveautés (en ayant, encore une fois, abandonné d'autre part toute contrainte sur la diffusion d’anciennes productions). Avec un total de toujours « 40 » ! Pourquoi 40 ? Par nostalgie pour l’ancienne loi bien-sûr (rires), mais surtout parce que ça donne des résultats assez cohérents et qui pourraient satisfaire tout le monde.
Regardons ces trois cas de modulation :
Plutôt que de moduler, comme dans notre vieille loi, le volume global de quotas versus le volume des nouvelles productions (les fameux 40 / 20, 60 / 10 et 35 / 25), l’idée serait de moduler le volume de quotas de nouveaux talents et productions seuls versus le nombre minimum de titres différents par jour de diffusion sur ces mêmes nouveautés (en ayant, encore une fois, abandonné d'autre part toute contrainte sur la diffusion d’anciennes productions). Avec un total de toujours « 40 » ! Pourquoi 40 ? Par nostalgie pour l’ancienne loi bien-sûr (rires), mais surtout parce que ça donne des résultats assez cohérents et qui pourraient satisfaire tout le monde.
Regardons ces trois cas de modulation :
- 30% de nouveaux talents ou nouvelles productions francophones avec un minimum de 10 titres différents par jour de diffusion : Cela satisfera les formats jeunes qui pourront faire de fortes rotations comme elles le souhaitent. Les maisons de disques auront, elles, un support important sur quelques artistes forts et « mainstream » de la nouvelle production française, et engranger des ventes.
- 20% de nouveaux talents ou nouvelles productions francophones avec un minimum de 20 titres différents par jour de diffusion : Cela satisfera les radios au format adulte, en supportant une nouvelle scène assez large, notamment sur les formats pop-rock et variété, tout en ayant 80% de temps d’antenne libre de toute contrainte de programmation ! Fini les golds français ultra cramés... D'autre part, des radios aux formats musicaux spécifiques mais grands publics, comme Oui FM, Latina ou FG, pourront peut-être aussi trouver un compromis acceptable avec cette formule intermédiaire.
- 15% de nouveaux talents ou nouvelles productions francophones avec un minimum de 25 titres différents par jour de diffusion : Les formats très éclectiques et diversifiés comme FIP, Nova, ou Jazz Radio, continueront de promouvoir une nouvelle scène peu jouée ailleurs, tout en gardant leur fenêtre ouverte sur le monde avec jusqu’à 85% de titres internationaux.
Quelques gardes-fous seront sans doute nécessaires pour que les radios respectent l'esprit de ces règles simplifiées. Par exemple, porter de 2 à 3 minutes la durée minimale d’un titre francophone pour éviter l'usage abusif des compactés, notamment pour le taux réduit. Les heures significatives d’écoute pourront également être revues, et on pourra passer à une mesure journalière plutôt que mensuelle des taux de diffusion pour s'assurer d'une bonne répartition des quotas sur toute la semaine.
Conclusion : au lieu d’empiler, réécrivons !
La loi actuelle a vécu. La stratégie actuelle d’empiler de nouveaux amendements sur un vieux socle dépassé, sans aucune concertation ni réflexion, doit cesser. Les quotas sont morts, vive les quotas !
La loi actuelle a vécu. La stratégie actuelle d’empiler de nouveaux amendements sur un vieux socle dépassé, sans aucune concertation ni réflexion, doit cesser. Les quotas sont morts, vive les quotas !