
fichier audio et nous fabriquons autre chose. C’est ce que j’appelle la "mentalité émetteur", et ça n’a aucun sens. En octobre 2014 a été lancée une série sur podcasts qui a duré jusqu’à Noël de la même année. Ce fut un succès incroyable : à la fin de la série, on totalisa plus de 40 millions de téléchargements. Impressionnant ! Mais alors, il se passa quelque chose d’étrange : les gens continuèrent à la télécharger. Fin janvier, on atteignit 68 millions de téléchargements ! Et d’après certains, alors que j’écris ces lignes, la série a dépassé les 100 millions de downloads.
En radio, nous faisons preuve d’une obsession à "nourrir l’émetteur" – de préférence avec des contenus en direct. Mais la série que je viens d’évoquer est l’un des exemples qui démontrent que "la mentalité émetteur" est dépassée et présente un danger pour le futur de la radio. Et tout d’abord parce que cet état d’esprit "émetteur" est mauvais pour l’amplitude de nos contenus. On se concentre à mort sur ce que pourrait être l’état d’esprit des auditeurs à neuf heures du matin, plutôt que de se concentrer sur la production de contenus excellents ! Il est probable que personne ne pense que les auditeurs, à cette heure-ci du matin, veulent écouter des réflexions académico-philosophiques à propos de sujets tels que la civilisation maya, présentées par un type dont le véritable nom est "Baron Bragg de Wigton".
Pourtant… ce programme existe ! Il s’appelle "En Notre Temps" – et a été téléchargé 27 millions de fois, en plus d’être diffusé tous les jeudis sur BBC Radio 4… à neuf heures du matin ! Bien évidemment, il faut être dans l’ambiance pour écouter un tel ovni ; d’où son succès à la demande.
La "mentalité émetteur" est aussi mauvaise pour la qualité. Nous pensons – et c’est une erreur – qu’à la radio, le plus important est d’être en direct. Alors on se débrouille comme on peut pour fabriquer des bouts de radio qui auraient été bien meilleurs avec un peu de préproduction.
Chaque fois que vous entendez la communication qui se coupe avec un invité au téléphone, une liaison audio foireuse, ou une interruption soudaine d’un entretien pour diffuser un improbable bulletin de trafic routier… vous entendez de la radio qui aurait pu être bien meilleure s’il n’y avait eu cette superstition de l’importance de "nourrir l’émetteur".
Si les émetteurs sont toujours importants, la primauté du direct doit laisser la place à la primauté du contenu de qualité. Je pense que la mentalité émetteur n’a pas sa place dans le futur de la radio.