PLF 2025 : Radio Occitania oscille entre amertume et colère

Rédigé par le Vendredi 18 Octobre 2024 à 06:50 | modifié le Vendredi 18 Octobre 2024 à [HEURE]


Alors que les organisations syndicales se rendent au ministère de la Culture pour plaider la cause des radios associatives, l'annonce de la baisse du Fonds de Soutien à l'Expression radiophonique n'en finit de faire des vagues. Dans l'équipe de Radio Occitania, l'heure est encore à la consternation. Esther Mimart-Rangel, membre du conseil d'Administration, a partagé avec La Lettre Pro de la Radio son sentiment sur ce PLF 2025...


LLPR - Que représente le FSER pour Radio Occitanie ?
EMR -
Le FSER représente, selon les années, de 40 à 60% de notre budget total, le reste étant les aides à l'emploi et diverses subventions (régionales et départementales). Pour être et rester une radio associative, nous n'avons pas le droit de faire plus de 20% du chiffre d'affaires en publicité, ce qui, sur des budgets annuels moyens de moins de 100 000 euros, permet juste de salarier, et encore, au SMIC, la personne qui va chercher les annonceurs. Ayant la chance d'avoir deux studios, nous avons droit à deux aides de fonctionnement, ce qui n'est pas le cas de la majorité des radios. Le studio de la zone d'Auterive, qui n'a qu'une salariée sur place pour produire 4 heures de programmes locaux quotidiens, nous permet de faire vraiment vivre le studio principal de Toulouse (avec 1.5 salarié et une apprentie depuis le mois dernier) qui lui produit 24 heures de programmes quotidiens.

Nous avons bien sûr des bénévoles mais la plupart assurent seulement leur émission et nous avons deux membres du C.A. à la retraite qui gèrent l'administratif à temps plein. Et clairement, tout le monde adore son boulot mais nous ne sommes pas assez et l'épuisement nous guette déjà depuis un moment. À noter qu'à la sortie du Covid-19, nous avions 6 salariés mais les baisses de toutes les aides des collectivités territoriales, couplées aux hausses des salaires et de l'électricité, nous ont contraints à réduire le personnel. Pour l'électricité, il faut savoir qu'un émetteur de radio associative c'est l'énergie du four de votre cuisine, 365 jours par an, et nous avons 4 émetteurs.

LLPR - Quelles seraient les conséquences d’une baisse de 30% de cette dotation annuelle ?
EMR -
Pour les radios associatives, en général, il y aura de la casse. Les plus petites, celles qui ont un ou pas de salarié, seront les premières à ne fonctionner qu'en bénévolat, voire tout simplement, arrêter. Quant à Radio Occitanie, nous venions de demander l'ouverture d'un 3e studio à Saint-Gaudens, qui est non seulement très attendu par la population, et nous aurait aussi permis de reprendre le personnel qui nous manque et donc, d'offrir de meilleurs programmes en occitan. Avec cette baisse de 30%, ce studio n'existera pas et nous ne pourrons, dans le meilleur des cas, garder qu'un salarié dans chaque studio, à Toulouse et Auterive. Ce qui évidemment impactera le volume, la diversité et la qualité de nos programmes.
"Pour les radios associatives, en général, il y aura de la casse"
LLPR - Comment expliquez-vous cette baisse drastique ?
EMR -
Nous aimerions dire que c'est inexplicable. Nous avons de nombreuses obligations que nous avons toujours remplies. Nous ne devons donc pas dépasser les 20% de chiffres d'affaires publicitaire. Nous devons faire sortir les radios des studios pour les faire découvrir au grand public. Nous recevons de nombreux services civiques et stagiaires que nous formons, sans parler de toutes les personnes qui apprenaient les métiers de la radio par le biais d'emplois aidés et qui partent ailleur,s ensuite parce que nous n'avons pas les moyens de continuer à les payer. Nous devons faire de la Communication Sociale de Proximité pour prouver notre utilité. Nous devons former les jeunes et les moins jeunes à l’Éducation aux Médias et à l'Information. Nous devons gérer l'administratif et les dossiers de demande de subventions comme des entreprises mais la plupart des dirigeants sont bénévoles. Nous produisons 6 heures de programmes frais en occitan et 1 heure en catalan par jour. Et pourtant, malgré tout ce travail, on nous dit toujours que nous coûtons trop cher ! Et que, nous avons des voix dissonantes. Peut-être, est-ce pour cela que les Gouvernements veulent nous voir disparaître ? Cela dit, 30 M€ sur le budget de l’État, c'est une paille, surtout qu'auparavant, c'était une taxe parafiscale qui ne coûtait donc rien à l’État. Il faut le comparer aux 566 M€ de Radio France. À qui ce PLF ne demande qu'un effort de moins de 2 M€, soit moins de 1% de son budget... Je crois que l'idée était "Si on tape dans Radio France, on va avoir les syndicats dans la rue, alors que les radios associatives, elles, sont petites et éparpillées, même si elles bougent, personne n'en entendra parler". Ils ont oublié que nous sommes aussi le 4e pouvoir. Et puis, la démocratie se mesure à la façon dont un gouvernement traite les plus fragiles. Je vous laisse méditer cette pensée.
 
LLPR - Envisagez-vous des actions sur votre zone de diffusion avec votre équipe et avec le soutien des auditeurs ?
EMR -
Il y a eu une visio nationale conjointe des deux syndicats mardi dans la soirée. Nous étions plus de 200 connectés. Je sais, pour leur avoir demandé, que certains n'ont pas pu se connecter pour des raisons techniques. Nous étions toutes et tous combatifs. Pour l'instant, nous attendons les réponses du ministère de la Culture. Mais, si elles ne nous conviennent pas, la riposte est prête... Ce n'est comme si on n'avait pas déjà été dans une situation similaire par deux fois dans le passé. Et qu'à chaque fois, le Gouvernement a dû faire marche arrière.

LLPR - Comptez-vous sur l’appui des politiques locaux ?
EMR -
Nous avons "mailbombé" les députés et sénateurs. Nous avons effectivement attiré l'attention des politiques locaux qui savent notre nécessité locale, mais jusqu'à présent sans résultat malheureusement.

Brulhatour est le rédacteur en chef du magazine La Lettre Pro de la Radio et le directeur associé… En savoir plus sur cet auteur
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